Préambule

CH 1

INDEX

Ch.2 Pyla-sur-Mer, ce n’est plus…
comme avant !

Premier tome : La ville sous les pins, origines et développement
Un livre de Raphaël Vialard (publication limitée – commande par souscription)
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La Dune du Pilat

CH 3

Ch.2 Pyla-sur-Mer, ce n’est plus…
comme avant !

Premier tome : La ville sous les pins, origines et développement
Un livre de Raphaël Vialard (publication limitée – commande par souscription)
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 LE MOULLEAU 

Lorsqu’il faut délimiter la nouvelle commune d’Arcachon en 1857, on trace la frontière à partir du Poste des Douanes Le recensement de 1861 indique que 4 personnes habitent au Moulleau : les 4 douaniers. construit en 1807.

On trouve aussi, dans ce beau site boisé, quelques cabanes rudimentaires de pêcheurs ou de résiniers ; une construction légère, style paillote, abrite un rustique « établissement de bains » appartenant, ainsi qu’une large partie de la forêt alentour, au testerin Jean Baptiste Dalis « Expatrié » à Parentis-en-Born. En 1863, M. Dalis se réservera un hectare de terrain au bord de l’eau.
 : une plaisante étape pour des excursionnistes qui s’aventurent jusqu’au Pilat.

Quelques Bordelais, tel M. Gautier Antoine Gautier, né le 22 septembre 1798 à Bordeaux et mort en 1882, est Maire de Bordeaux  de 1849 à 1860., alors maire de Bordeaux, préfèrent la vie tranquille du Moulleau aux activités balnéaires d’Arcachon qui ne font que croître, avec les Pereire.

Mais cette quiétude ne durera guère : deux bordelais, William Papin et Aurélien de Grangeneuve, se sont mis dans l’idée de construire à Moulleau, une station balnéaire de repos, calquée sur l’image de la Ville d’hiver. Ils trouvaient que l’ambiance très festive, ils parlaient de « lupanar », qui régnait à Arcachon était peu propice à l’éducation des enfants, en particulier les leurs.

Le 10 février 1863, ils achètent 32 hectares à M. Dalis avec l’objectif de créer un nouveau quartier. Ils demandent à un de leurs amis, l’architecte bordelais Michel-Louis Garros (qui signait sous le nom de Louis Garros), de dessiner les parcelles et les rues du futur quartier. Ils vendent immédiatement une dizaine de terrains, principalement à des Bordelais de connaissance.

Ainsi commence l’expansion de la zone touristique arcachonnaise vers le sud.
M. Veyrier-Montagnères fera construire sa villa « Risque-Tout » à l’extrémité du quartier, sur le terrain de l’ancien Poste de Douanes ; viendra ensuite « Risque Rien ».

À peine élu maire d’Arcachon, en 1897, il créé la « Société anonyme immobilière du Moulleau » au capital de 450 000 francs, formée de notables girondins, dans le but de développer une station de bains de mer. Il y apporte personnellement ses deux chalets, 15 500 m2 de terrain et des études qu’il a financées portant sur la construction d’une voie ferrée, d’un tramway, d’un hôtel et d’une ligne de téléphone. Les terrains non vendus dans le premier lotissement sont achetés par la société. Les divers lots sont délimités par de fines barrières blanches, et des restaurants se construisent au carrefour des rues conduisant à l’hôtel et grimpant à l’église Notre-Dame des Passes. Aux confins du quartier, on bâtit deux sanatoriums Histoire du Moulleau, Francis Hannoyer, Association des Propriétaires et Résidents pour la Sauvegarde du Moulleau..

Sous l’influence de Veyrier-Montagnères, la « Société immobilière du Moulleau » devient la propriété des puissantes « Pêcheries de l’Océan », contrôlées par M. Johnston.

Pendant les 25 ans de son mandat, Veyrier-Montagnères installe l’eau, l’électricité, les transports publics sous la forme d’un tramway, il construit un débarcadère, la route venant d’Arcachon est empierrée.
Bref, la station est lancée.
Mais au-delà !

Croquis du Moulleau, Jean Dubroca, Radio Côte d’Argent, 2014.

 LA FORÊT DOMANIALE 

À la fin dux IXe siècle, en quittant le Moulleau, nous entrons dans la forêt domaniale, ou, du moins, ce qu’il en reste.

Autrefois, c’était du sable, rien que du sable.

Thomas Illyricus s’y serait installé au début du seizième siècle. Puis ce fut le fort Cantin en 1754, remplacé par celui de La Roquette, établi plus au sud, en 1792.

On y voit ensuite Brémontier, en 1787 ; il est venu planter des pins pour fixer les dunes de sable ; s’en suivront des cabanes forestières.

Les postes des Douanes en 1807, précèderont de peu le Sémaphore (1815)

Le premier hôtel, dit des « Trois Sœurs » est signalé dès 1858, complété par celui des Seguin, en 1893.

Les premières villas du Vieux-Pilat sortent de terre en 1898.

Le lotissement de l’Éden de la Côte d’Argent – mort-né – ainsi que celui de Bellevue voient le jour en 1912.

Puis apparaît la plaquette « Pyla-sur-Mer, Passes du Bassin d’Arcachon » en 1916 ; elle présente le projet de lotissement éponyme.

Le lotissement de Pilat-Plage en 1928, vient compléter l’offre immobilière. Ces lotissements feront des émules…

 L’avancée des sables

Avant l’établissement par clayonnages de la dune riveraine de Brémontier, on rencontrait trois catégories de collines en allant du rivage vers l’intérieur des terres. En partant du rivage maritime, celui-ci était longé de dunes distinctes, séparées, les « tourons » nommés trucs au Médoc, et tucs au Marensin. Elles étaient tapissées de gourbet, d’immortelles et des deux ou trois sortes d’herbages qui croissent naturellement à la vue de l’Océan. Les grosses mers arrivaient jusqu’à ces tourons : on dit encore aujourd’hui, quand la mer gronde ou quand quelqu’un se met en colère : « La ma que passe per dessus lous tourouns ». Avant la dune littorale, la mer les couvrait, en faisait des îlots, les entourait d’écume, de liège et de débris divers ; un touron était-il entamé par la tempête, sa blessure présentait un réseau serré de racines qui arrêtaient de nouveau le sable La Propriété des dunes de Gascogne, Bernard Saint-Jours, 1914..

Venait ensuite une sorte de plaine blanche et, vite après, les masses de sables blancs nus, sans herbes, entrecoupés de lettes La lette (ou lète ou lède) est l’appellation régionale d’une dépression inscrite entre deux dunes de la zone littorale. Le terme est la francisation du gascon leta ou leda, lui-même issu du latin latus, lata : large. Une autre définition désigne l’amas d’eau qui se forme en hiver dans les dunes de Gironde et les landes au fond des vallées sèches séparatives des dunes et qui s’évaporent pendant les chaleurs ; par extension, se dit de la vallée elle-même., petites vallées ayant souvent des lagunes où croissaient l’herbe à pâturage, la centaurée et la douce-amère.
Puis, les dunes couvertes de forêts antiques, communément appelées montagnes (terme de l’époque latine). La « Montagnette », comprenait trois parcelles, entre la ville de La-Teste et la Montagne ou grande forêt de La-Teste, ensablée, autrefois, sur ses lisières nord et ouest, à laquelle doivent être rattachées la parcelle du Pilat sur le bord de la passe et une bande au pied de la grande dune de Pissens Bulletin de géographie historique et descriptive / Comité des travaux historiques et scientifiques, 1906..

 Le bassin du Pilat

La carte de Hondt ou Hondius, vers 1595, nous transmet la physionomie du bassin d’Arcachon à cette époque. Les levés topographiques ne sont pas parfaits, mais cette carte ayant été faite surtout pour des navigateurs, on peut se renseigner en se repérant au moyen des points qui n’ont pas changé depuis, et il est facile de rétablir les choses en leur place.

À l’entrée du Bassin, on trouvait Ville-Papo, groupe de deux îles à l’ouest du cap Ferret, et Prigonen, groupe de trois îles au sud-ouest. Au sud de ces îles, la Petite Passe, puis la Pile, grande île, ayant, à l’est, la Grande Passe et, au sud de celle-ci, la Matte, autre grande île, laissant entre elle et la côte une passe étroite.

De la Matte au cap Bernet, on rencontrait dans l’intérieur du bassin trois promontoires, le Vieil-Pile, la Botte ou la Beste, et Bernet (actuellement à l’extrémité de l’avenue du Parc Pereire), laissant une lagune entre eux et la côte propre à abriter les barques.

Le Flambeau de la mer traduit du flamand par Yvounet en 1680 est un document très précieux. La Pile et la Matte, devenues bancs de sable, ont rejoint la côte et s’y sont soudées, comme avant elles le Vieil-Pile et la Botte. La Pile va former une lagune qui existera jusqu’à la fin du XVIIIe siècle sous le nom de Bassin du Pilat Le Bassin d’Arcachon – Géographie rétrospective du Bassin …, Ch. Duffart, Comptes rendus dux XVIe Congrès national des Sociétés françaises de géographie, 1905..

Le contour du Bassin du Pilat, dessiné en 1693 par le Neptune Français, apparaît clairement, en 1708, sur la carte de Claude Masse ; il en indique aussi la Vieille entrée du Pilat. Ce petit bassin était un refuge pour les pêcheurs venant du large et se disposant à y repartir après avoir confié le poisson aux peschouneyres Femmes ou filles de marins, ou employées de marchand-poissonnier., comme on dit en gascon, afin d’arriver de bon matin sur le marché de la métropole bordelaise.

À terre, des balises servent de guide aux mariniers qui entrent dans la mer d’Arcachon. Au bout de la presqu’île du Bassin du Pilat, sont implantées les cabanes du Pilat, abris des pêcheurs. À quelques cents mètres au nord-est, figure une autre petite anse, l’Anse de Lesta, probablement le témoin du Vieil-Pile.

 Lieu de pacage

Les dunes riveraines de l’Océan se trouvaient tapissées de plantes spéciales à l’air salin et de longues herbes d’un seul brin, souvent de serpolet un peu en arrière ; la majeure partie de cette végétation attirait fort le bétail, qui allait faire la sieste sur la grève marine, l’été, à l’abri de l’importunité des mouches La propriété des dunes et le jugement du 1er décembre1930, Bernard Saint-Jours, 1931..

En l’absence de documents bien faits, il est impossible de dire jusqu’où les habitants pouvaient exercer leurs droits d’usage. Il est vraisemblable que la forêt domaniale qui occupe, sur une largeur moyenne de 1700 m, la bande de terrains parallèle au rivage de l’océan échappait en grande partie à cette servitude. Quoique…

Peu de temps après être devenu propriétaire du captalat de Buch, Jean-Baptiste Amanieu de Ruat, entreprend de fixer les tentacules de la longue bête blonde qui se glissent partout. Mais ses semis du Becquet brûlent en 1733 : un berger testerin a mis criminellement le feu, ces semis ayant été faits à l’encontre des droits acquis par la baillette de 1550, du moins le pensait-il ; les résineux de Ruat le privaient des prés communaux – les padouns – où végétaient ses vaches, chèvres, moutons et même ses chevaux, aussi sauvages que lui.

En 1734, Alain de Ruat, son fils, fait exécuter dans les dunes voisines du Pilat, un ensemencement considérable qui réussit parfaitement mais subit le même mauvais sort L’Agriculture comme source de richesse, comme garantie du repos social, recueil mensuel, mai 1849.. Le seigneur introduira, contre les délinquants, une instance devant la maîtrise particulière des Eaux et Forêts de Guyenne, et, par appel, au souverain de la Table de marbre Cette juridiction était considérée par les connétables et les maréchaux de France comme un fief du roi, un domaine particulier de la couronne que les différents monarques leurs inféodaient à cause de leurs charges et dont ils devaient faire hommage lors de leurs prestations de serment. C’est autour de l’imposante table de marbre noir, qui occupait presque toute la largeur de l’admirable Grand’Salle de Philippe-le-Bel que les grands officiers de la couronne se réunissaient pour y traiter les affaires de la plus haute importance. Très vite, elle deviendra un terme générique commun à trois juridictions, celle de la Connétablie et Maréchaussée de France, celle de l’Amirauté de France, et celle du Grand Forestier devenu Grand Maître des Eaux et Forêts. ; le sieur Taffard Lacroix Blanche, en qualité de syndic des habitants, intervint à cette instance pour soutenir que c’était, à lui, en qualité de syndic d’en poursuivre la peine et les dommages et intérêts, et ce en vertu de la baillette de 1550 Transaction passée entre Monsieur de Ruat et les Habitants du Captalat de Buch, en date du 7 Août 1746..

Le bétail parcourait librement la zone des sables nus pour arriver à la dune littorale réfractaire à tout boisement, mais de tout temps couverte d’une flore spéciale, abondante, qui vient là sous l’air salin spontanément, la plus précieuse et la plus abondante de ces plantes étant le gourbet. À deux ou trois exceptions près, le bétail broutait ces diverses espèces savoureuses. De là il descendait sur la plage, l’été, pour ruminer ou se reposer au frais, à l’abri des mouches. Les promeneurs qui circulaient sur la plage pouvaient constater les traces de leurs pas et de leur digestion sur la grève, et voir presque journellement les troupeaux de vaches prendre position sur la plage pour y ruminer à l’aise entre midi et 14 heures.

C’est ainsi qu’en 1768, Kearney, sur sa carte, présente les sables du Pilat sous la dénomination « pacages ». Et, en 1820, le géomètre Pagnou faisant la carte des semis de La-Teste mentionne AM LTDB 4D2. (AM LTDB pour Archives municipales de La Teste-de-Buch) « Lète ou Pacage de Pissance ».

Un « Mémoire sur les dunes » présenté, en 1796, par Brémontier au Conseil départemental, évoque « quelques troupeaux épars de veaux et de vaches, que ceux à qui ils appartiennent ne peuvent reconnaître qu’à des marques particulières, qu’ils ont l’attention de faire quand le nourrisson est encore faible, et avant qu’il ait quitté sa mère, qui n’est reconnue elle-même que par ce moyen. Ces troupeaux quelquefois appartiennent à la commune ; dans ce cas, les bêtes qui les composent sont absolument sauvages. On les tire à coups de fusil, et elles se vendent à l’enchère : ces produits sont employés pour les besoins de la commune et par les ordres de la municipalité ; le prix le plus ordinaire d’une de ces vaches est de 30 à 40 livres ».

Dans une lettre adressée au Préfet de la Gironde, le 24 juin 1803, il est dit que M. Marichon, maire de La-Teste, possède dans les dunes un troupeau de 108 vaches.

 Les semis

Après les mémoires rédigés par les frères Desbiey en 1774 et 1776, Charlevoix de Villers, ancien colonel et ingénieur de la Marine, envoyé en 1778 par Louisx VI pour enquêter sur la menace des sables, livre un très lucide rapport … resté au fond d’un tiroir.

Le 3 mars 1778, l’intendant de Guyenne écrit au ministre Necker, au sujet de la demande formée par M. de Ruat, captal de Buch, pour obtenir la concession des dunes Archives départementales C 2673. afin d’en faire cesser l’invasion et les progrès. Un arrêt du Conseil du 23 mars 1779 lui fait alors concession des dunes Note sur les dunes de Gascogne, par J. Bert, 1900. Cette concession est convertie en inféodation par arrêt du 21 mai 1782. situées dans l’étendue des terres de La-Teste, Gujan et Cazaux, à titre d’accensement et à charge de les ensemencer.

Dès 1780, Brémontier fait ressortir la nécessité et les profits à retirer de l’entreprise de fixation des dunes dans un Mémoire sur les dunes Mémoire publié seulement en 1797 à l’Imprimerie de la République (aujourd’hui Imprimerie Nationale), mais déposé depuis longtemps entre les mains de l’Administration compétente..

Entre 1782 et 1787, François Amanieu de Ruat demande à Jean-Baptiste Peyjehan de semer treize hectares sur sa parcelle du Gartey – entre le Figuier et le Vieux-Pilat – à l’endroit de la côte Nous verrons que l’érosion s’est amplifiée durant la première moitié dux IXe siècle. où, déjà, l’attaque des sables est la plus intense ; le chemin du Braouet – notre chemin rural n° 14 – permet d’y accéder.

Onze hectares de la lette Lette : amas d’eau qui se forme en hiver dans les dunes de Gironde et les landes au fond des vallées sèches séparatives des dunes et qui s’évaporent pendant les chaleurs ; se dit aussi de la vallée elle-même., à l’est de la dune de Pissens Peut-être issu de pichans, versant., ancien « lac d’eau douce » qui avait été concédé pour la « pesche » aux canards en 1775, sont ensemencés à la même époque ; le restant de la lette le sera en 1806 et la dune de Pissens en 1815 Toponymie de La-Teste, Robert Aufan..

Le reste, parfois appelé « plaine du Pilat », sera semé par l’État en 1812 et 1813 Les lieux-dits, Robert Aufan..

Brémontier, simple ingénieur de la Province, rend compte dans un nouveau mémoire, rédigé en 1786, des précautions à prendre pour ouvrir un canal allant de Pauillac à l’Adour On s’est beaucoup préoccupé, sous le règne de Louisx VI et même avant, de fixer les dunes côtières de la Gascogne et d’assainir par des fossés et mettre en culture son immense lande. Ces travaux étaient présentés comme connexes de l’établissement de canaux de navigation dans ce pays, et c’est peut-être pour cela que l’Administration des Ponts et Chaussées, et non celle des Forêts, a été chargée de la fixation des dunes. Le rapport sera publié en thermidor an V. (Bulletin de la Société de géographie commerciale de Bordeaux.) Les dunes seront plus tard remises par l’administration des Ponts et Chaussées à l’administration des Eaux et Forêts selon le décret du 29 avril 1862. Le 10 septembre 2009, le corps des Ingénieurs des Pons et Chaussées et celui des Ingénieurs du Génie Rural des Eaux et Forêts fusionnent pour devenir le corps des Ingénieurs des Ponts, des Eaux et des Forêts (IPEF). en passant par les étangs. La première précaution, dit-il, c’est de fixer les dunes, travaux qui, selon lui, n’ont jamais été faits.

Il cherche son terrain de jeu et ne trouve rien de mieux que la terre entre la petite forêt d’Arcachon et le Bassin du Pilat : c’est ainsi que l’on peut lire sur le cippe élevé à La Teste-de-Buch en sa mémoire : L’an 1786, sous les auspices de Louisx VI, N. Brémontier, inspecteur général des Ponts et chaussées, fixa les dunes et les couvrit de forêts…

En aparté, relatif à un projet de canal, Jules Allix donnera une conférence, le 24 septembre 1892, traitant d’un projet – dit « Canal de France » – devant relier l’Océan à la Méditerranée : son entrée se fait entre Moulleau et Pilat pour aboutir à Port-la-Nouvelle. Dans cette prévision, le canal passe d’abord sous les dunes et se dirige vers le sud de La Teste-de-Buch D’après L’Avenir d’Arcachon du 9 octobre 1892..

Le 20 février 1787, Brémontier, ingénieur en chef du département, demande à M. de Ruat de l’autoriser à établir un atelier sur ses possessions du côté du Pilat Forêts et Dunes domaniales : Procès en revendication par les communes de La Teste-de-Buch et de Gujan-Mestras, Directions générales des Domaines et des Eaux et Forêts, 1933.. Le 12 mars, sous sa direction, les essais commencent sur 5 750 toises La toise, vaut 1,949 mètre. (11,5 km) de sables nus envahisseurs, le long d’une ligne, aujourd’hui disparue dans la mer, qui s’étend entre l’extrémité de la petite forêt d’Arcachon (correspondant aujourd’hui au parc Péreire, aux Abatilles) et la Grande Forêt dite « Montagne de La-Teste Le grand incendie de 1716 qui a ravagé 2700 hectares dans la forêt usagère est encore dans toutes les mémoires.« , près du Bassin du Pilat. Cette ligne présente la brèche, faite dans la forêt antique par le terrible incendie de 1716, par où le vent et les sables s’engouffrent depuis cette date.

Les essais englobent la grande Dune du Pilat qui n’existait pas encore dans toute son ampleur D’après Notre forêt littorale, Albert de Ricaudy, L’Avenir d’Arcachon du 3 août 1934. Aristide Frézard, dans la Revue des eaux et forêts : économie forestière, reboisement…, 1948, écrit : « Ils commencèrent des semis de pin et de genêt à la Dune du Pilat en 1787 et les continuèrent en 1788 dans la plaine du Moulleau ».

Brémontier se met à l’œuvre avec l’aide des testerins Peyjehan On prononce Péjan. « Du 21 frimaire anx II (16 décembre 1803) […]. Acte de décès de J.-B. Peyjehan jeune, négociant, décédé hier au soir, à 9 heures, âgé de cinquante ans et né à La-Teste, département de la Gironde. Époux de Marie-Julie Dubrocq, et fils légitime de défunt Pierre Peyjehan notaire et juge, et de Marie Baleste-Marichon » Voici ce qu’écrivait Albert de Ricaudy, en 1934 : « L’oubli dans lequel on a laissé dormir la mémoire de Peyjehan, honorée tout juste par son nom donné à une avenue d’Arcachon, est d’autant plus regrettable pour La-Teste que ce bienfaiteur des dunes et de la forêt est un pur Testerin. Depuis, l’oubli a été réparé… et Duboscq.

Voici la lettre de Brémontier Coup d’œil rétrospectif sur les dunes mobiles du golfe de Gascogne, A. Lalesque, 1884. du 7 mars 1787 adressée à Peyjehan :

« Monsieur,
Conformément à la promesse que vous avez bien voulu me faire de nous seconder dans le projet d’essai qu’on se propose d’exécuter relativement à la fixation des dunes, je vous prie instamment de faire faire le plus tôt possible environ un millier de fascines de branches de pin, genêt épineux et autres arbustes propres à ce genre de travail et de les faire transporter dans les environs du petit bassin du Pilat. »

Peyjehan utilisait jusqu’alors ce système de protection des semis par écrans verticaux qu’il devait abandonner bientôt au profit de la couverture horizontale de branches Jean-François-Xavier Mouls, dans Les Dunes du Sylva Maria paru en 1860, prête à Dehilotte Ramondin, le célèbre entrepreneur testerin de semis des dunes, d’avoir inventé cette méthode, mise en pratique pour la première fois, en 1834, à Maubruc. employée depuis longtemps par les habitants du pays sur les dunes non mouvantes et dont le destinataire de la lettre avait été témoin des meilleurs effets ; Peyjehan, dont les premiers résultats n’avaient pas été heureux, avait entendu parler, par Charlevoix de Villers, des couvertures de branchages employées en Zélande, et le proposa à Brémontier qui refusa ; profitant qu’il ait le dos tourné, Peyjehan en fit l’expérience.

Le 12 mars 1787, l’ingénieur en chef dit à son futur second : … l’expérience que vous avez de ces sortes de plantations me fait regretter de n’avoir pu profiter plus longtemps de vos entretiens…
Les renseignements que contient votre lettre y suppléent.

Par suite de l’obstination de Brémontier à y avoir recours malgré tout aux environs du bassin du Pilat et de la dune du Moulleau, l’échec de l’emploi des clayonnages avancés coûta 15 000 francs en pure perte sur les 25 000 alloués par le roi.

Le jour même, Peyjehan est à pied d’œuvre.
Le 14 mars, nouvelle missive de Brémontier : J’approuve, Monsieur, le parti que vous me proposez de faire l’essai de grands fagots de broussailles que vous croyez devoir suppléer aux fascines.

Le 21 avril 1787, Brémontier envoie à M. Peyjehan un état détaillé de la nature et des dimensions des ouvrages à faire […] pour fixer les sables et dont on se propose de faire l’essay. […] Ces 5 750 toises embrasseront toute la partie de la côte à prendre depuis le bassin du Pilat et peut-être encore au-dessus jusques à la rencontre de la partie de la forêt d’Arcachon qui s’étend jusques sur le bord du bassin de ce nom, vis-à-vis le chenal de Bon Note sur les dunes de Gascogne, J. Bert, 1900, Ministère de l’agriculture. Administration des Eaux et Forêts. Exposition universelle internationale de 1900, à Paris..

La réussite de ces essais ne laisse aucun doute sur l’efficacité des moyens proposés Décret du 14 décembre 1810, relatif à la fixation des dunes, Jurisprudence générale de MM. Dalloz. Code forestier, 1884. ; Brémontier s’en attribuera la paternité Les Landes et les dunes de Gascogne, Bulletin de la Société de géographie commerciale de Bordeaux, 18 mai 1896 ; Tiré d’un article d’Albert de Ricaudy, Avenir d’Arcachon, 26 octobre 1934. !

Hélas, en septembre 1787, une forte marée d’équinoxe bouleverse  les travaux.

L’argent, nerf de la guerre, se fait attendre. En 1788, un premier crédit de 4 000 livres, permet à Peyjehan d’organiser, l’année suivante, avec l’autorisation du propriétaire (c’est du moins ce qu’il imagine), son premier « vrai » chantier sur les dunes d’Amanieu de Ruat, entre Pilat et la forêt d’Arcachon Les Landes et les dunes de Gascogne, Bulletin de la Société de géographie commerciale de Bordeaux, 18 mai 1896..

Ce travail est aussitôt interrompu, en 1789, repris en 1791, et enfin totalement abandonné en 1793 par défaut de fonds, et encore plus par des difficultés que firent naître quelques habitants même de La-Teste ; l’assemblée générale du département avait accordé, pour sa continuation, une somme annuelle de 6 000 livres Mémoire sur les Dunes, Brémontier, Annales des Ponts et chaussées: Mémoires et documents relatif à l’art des constructions et au service de l’ingénieur. 1re partie. Partie technique, A. Dumas, 1833. qui n’y a point été employée.

En 1791, Arnaud Robert, garde des ensemencements, réclame ses gages – 350 livres pour l’année écoulée ; depuis plus de deux ans, il continue journellement ses soins à la garde des semis en empêchant que le bétail qui est dans les environs ne le (sic) dévore.

Le 28 fructidor an II (14 septembre 1794), Brémontier, ingénieur en chef des travaux publics du département du Bec d’Ambès demande au citoyen Peyjehan jeune s’il est vraiment nécessaire de remplacer le garde Robert.

Le 21 fructidor an 9 (7 septembre 1801), deux armateurs bordelais, MM. Bernard Journu-Auber et Jean-Pierre Sers, doivent être à Certes, et veulent se rendre le même jour à La-Teste ; ce jour-là, ils ont revêtu leur habit de sénateurs. Ils espèrent que M. le Commissaire de la Marine voudrait bien leur envoyer son canot dans la matinée à Certes. Brémontier a recommandé à Peyjehan de leur faire voir nos premiers et nos derniers semis et leur procurer les plaisirs de la pêche s’il est possible et leur faire remarquer tous les objets intéressants de votre canton.

Bernard Journu-Auber et Jean-Pierre Sers

Les Journu, simples marchands droguistes, viennent de Lyon et s’installent à Bordeaux dans l’armement de navires au début dux VIIIe siècle. La maison Journu était propriétaire de 6 navires pour le commerce avec les colonies et la traite négrière. Grâce à ses affaires florissantes Bonaventure Journu put acheter une charge anoblissante de Conseiller-Secrétaire du Roi. Le 18 août 1742, il épouse Claire Marie Fonfrède, fille de Pierre Fonfrède, marchand, et de Jeanne Boyer. Il s’installe dans le nouveau quartier de Bordeaux au Chapeau-Rouge. Bonaventure décède en 1781. Bernard Journu, comte de Tustal 1745-1815 fils de Bonaventure 1717-1781 et Claire Marie Fonfrède †1778 épouse, le 8 février 1775 à Bordeaux, une demoiselle Monique-Geneviève Auber (1757-1783), riche créole de Port-à-la-Paix, à Saint-Domingue. Bernard Journu prendra le nom de Journu-Auber. Geneviève Journu-Auber 1776-1831 fille de Bernard et Geneviève Auber, se marie en 1793 avec Jean Baptiste le Grix de la Salle 1766-1840 Marie Madeleine Journu 1747-1801, fille de Bonaventure 1717-1781 et Claire Marie Fonfrède †1778 se marie en 1772 avec Géraud Bory 1735-?. Un de leurs enfants, Geneviève Jean Baptiste Marcellin, est le célèbre naturaliste Bory Saint-Vincent. Bernard Journu-Auber est l’auteur, en 1789, d’un Mémoire sur l’infertilité des Landes et sur les moyens de les mettre en valeur.

Jean-Pierre Sers 1746-1809 est négociant, armateur et officier municipal de Bordeaux lorsqu’il est élu, le 2 septembre 1791, député de la Gironde à l’Assemblée législative. Il prend place parmi les Girondins au côté de Pierre Victurnien Vergniaud, et s’associe à leurs votes.

 La propriété des dunes

Lorsqu’arrive la Révolution, se pose la question de la propriété des terrains ; personne ne se les dispute : le directoire du département, le 21 juillet 1791, prend un arrêté qui, par son article 3, décide qu’il sera écrit à la municipalité de La-Teste pour savoir à qui appartiennent les terrains qui se trouvent d’une part entre la grande et la petite montagne d’Arcachon, et, d’autre part, entre la ville et le territoire de La-Teste et la mer.

À cette demande faite par le Directoire sur la question de propriété, la municipalité de La-Teste répond par l’abandonnement empressé des terrains sur lesquels elle pourrait avoir des droits, tant cette municipalité, elle aussi, rechigne devant l’inconvénient énorme d’avoir une telle propriété sur les bras.

C’est alors que, nul ne voulant de ces sables, ni la municipalité ni le département et que, tous les repoussant, on les appelle les dunes de la mer, c’est-à-dire les dunes de personne, c’est-à-dire les dunes de tout le monde, si bien que le district de La-Teste, étant appelé, le 23 prairial an VI, à s’expliquer sur la nomination d’un garde chargé de veiller à la conservation des plantations, répond en nommant les dunes « de la République », c’est-à-dire de l’État ; Les dunes s’appelleront dunes de la nation, semis du gouvernement, plantations de la République… Elles seront désignées Dunes de l’État sur la matrice cadastrale de 1809 Essais et controverses de droit pratique, Bouniceau-Gesmon, Prosper-Georges-Marcelin, 1872..

Pour les propriétés privées, compte tenu de la dépense, c’est l’État qui ensemence, se réservant la jouissance et la perception des fruits jusqu’à l’entier recouvrement des dépenses en capital et intérêts, après quoi, lesdites dunes retourneront aux propriétaires à la charge d’entretenir convenablement les plantations Décret de 1810, article 5..

En 1793, le District de Bordeaux ordonne l’ensemencement de la dune de la Roquette ; les semis doivent être continués pour protéger la batterie. Le citoyen Peichan (Peyjehan) paye les hommes 30 francs par jour, les femmes 18 francs seulement. L’administration l’invite à apporter à l’exécution de ces travaux tous les soins et le zèle dont il est capable Semis Brémontier, District de Bordeaux- AM LTDB 4D2..

En tournée le 9 fructidor an III (26 août 1795), les citoyens Pierre Partarrieu, administrateur, et Nicolas Brémontier, ingénieur en chef, rapportent : Ces semis embrassent tout le bord de la mer, depuis la petite forêt d’Arcachon jusqu’à 1000 toises du bassin du Pilat, ce qui forme une longueur de 2500 toises, sur une largeur plus ou moins étendue.

Jean-Florimond Boudon de Saint-Amans évoque ces semis : Après une heure de marche environ, nous arrivâmes au Geniés, où Brémontier commença ses semis, et où ils ont fait des progrès très remarquables. Ces semis, garantis du vent direct de la mer par le sommet des dunes qui les dominent à l’ouest, sont devenus de véritables bosquets ; ils donnent de charmants labyrinthes naturels, où l’on aime à se reposer lorsqu’on vient de franchir, sous un ciel brillant, l’aride désert des dunes.

Saint-Amans nous situe le Geniès : Devant nous, un peu sur la droite, l’entrée du canal, se présentait le cap Ferret entouré de brisant. La forêt d’Arcachon était sur la même ligne, aussi à notre droite. Celle de la montagne (la Forêt usagère), à notre gauche, était cachée par les dunes au pied desquelles gisait la batterie de la Roquette avec ses magasins et ses signaux. Un peu plus en avant, vers l’entrée du canal, paraissait le Matoc, dangereux écueil, célèbre par mille naufrages.

[…] On y rencontre une cabane rustique. Elle est ombragée par les jeunes arbres ; sa porte est couronnée par les pampres verts d’un pied de vigne qui semble végéter avec orgueil dans ce sol adoptif. Le bon Guillaume, habitant de la cabane, est le gardien du bocage.

…] Nous entrons sous le toit de chaume : tous les meubles, tous les ustensiles qu’il recèle sont autant d’effets naufragés. La vue de ces effets, que de funestes catastrophes ont fait passer dans les mains de Guillaume, afflige l’âme, surtout quand on réfléchit qu’il n’est point d’habitation sur ces rivages inhospitaliers où l’on ne trouve ces monuments de malheur. Guillaume nous raconte les soins qu’il se donne dans l’exercice d’une surveillance continuelle qui, selon lui, n’est pas suffisamment récompensée. Il se plaint de vivre sans cesse isolé, quoiqu’il soit, ajoute-t-il, assez tranquille dans sa cabane, depuis que le club de La-Teste n’existe plus. Homme simple, qui subsistez d’une manière si misérable au milieu des déserts, que pouvait-on vous disputer sur vos sables ? Était-ce les débris des naufrages que l’océan vous apportait ? Et les autres naufrages, produits par les tempêtes que les brigands avaient excitées, ne pouvaient-ils pas suffire à leur rapacité Voyage agricole, botanique et pittoresque dans une partie des landes de Lot-et-Garonne et de celles de la Gironde, Jean-Florimond Boudon de Saint-Amans, 1818. ?

Bory de Saint-Vincent écrit, de La-Teste le 21 germinal an V (10 avril 1797), à ses collègues de la Société d’Histoire naturelle de Bordeaux : Rien ne m’a tellement frappé d’admiration que les dunes de sables qui environnent La-Teste, aucun spectacle ne parut jamais plus effrayant que celui de énormes masses qui menassent le pay d’un envaissement total et prochin… tous les habitans s’en apperçoivent et plusieurs mont dit il y a huit ans, il y a dix ans, il y en a six, qu’on passoit ici, qu’on aloit là, et maintenant le sable a englouti ces chemins formés par nos ayeux…

Les dunes sont bordées de bois de pins dans certaines parties de l’entrée du bassin appellé moulau (notre partie nord du Pyla) pour arrêter le sable mouvant, mais cela ne suffit pas les dunes ont déjà englouti une partie de la forêtla forêt Histoire des dunes maritimes de la Gascogne… (Registres de correspondances de l’Académie), Pierre Buffault, 1942.

Le 13 messidor an IX (2 juillet 1801), l’Arrêté relatif à la plantation en bois des dunes des Côtes de la Gascogne fait sortir l’entreprise de la phase ou plutôt de l’ornière départementale où elle languissait, reniée de toutes parts, cette matière n’étant pas départementale, pour l’élever au rang d’une mesure nationale Revue pratique de droit français, 1870..

Brémontier visite les semis du Pilat avec Toussaint-Yves Catros Toussaint-Yves Catros est né à Saint-Brieuc le 20 mai 1757, cinquième de sa famille, pépiniéristes de père en fils. Catros se rend célèbre par ses travaux faits à Bordeaux et dans le département de la Gironde. Il est directeur des pépinières royales de Bordeaux. Avec son futur beau-frère, Jean-Louis Gérand, il fonde, en 1785, l’affaire qui, à la veille de la Révolution, se spécialise dans le commerce des grains : c’est la naissance de la maison Catros-Gérand qui existe encore aujourd’hui et a son siège à Carbon-Blanc. En aparté : du chanvre vient très bien dans des terres qui n’ont pas été fumées (sic) depuis quatre ans ; Catros, étant attaché à la Pépinière royale de Talence, en avait fait l’expérience. en 1789. (Actes – Société linnéenne de Bordeaux, 1829), le 8 vendémiaire anx I (30 septembre 1802) où il avait ensemencé 64 000 ares ; l’ingénieur en chef espère faire la jonction, dans deux ou trois ans, avec la petite forêt d’Arcachon et la grande montagne, empêchant ainsi la ruine du port et de la majeure partie du territoire de La-Teste. Il constate que la mer fait en cette partie des progrès continuels sur la terre. Il remarque une végétation abondante dans les dunes, ce qu’il a déjà mentionné dans un rapport du 13 frimaire an VI.

Un long procès-verbal, qu’il rédige le 9 vendémiaire anx I, donne d’intéressants détails sur le littoral à cette date : pour aller de Bordeaux à La-Teste, on a la route par Pessac, Croix-d’Hins, Les Argenteyres et La Mothe et un chemin plus court par Certes, mais comportant un trajet de 12 kilomètres sur le bassin dans de frêles bateaux ne pouvant contenir que 4 ou 5 personnes. Sur la côte de La-Teste, des plants de genêts, de pin, de chêne, semés « de hazard » et âgés de 5 ans, sont longs et de belle venue. Les semis de 1788 ont besoin d’être éclaircis. La végétation est plus active au sommet des dunes où le sable est humide à 5 ou 8 centimètres de profondeur.

Pour les ensemencements, Brémontier donne ordre de récolter des glands de chênes blancs, noirs et lièges, des graines d’arbousier, de gourbet, de bugrane, d’hieracium (épervière), de chiendent, etc., toutes plantes vivaces très propres pour fixer ou les allées marines que nous devons établir ou celles destinées à prévenir la propagation des incendies, indépendamment des plantes indigènes ou exotiques que nous avons demandées.

Il présume que la fixation des dunes arrêtera les changements des passes du bassin d’Arcachon et les « progrès journaliers » de la mer sur les terres.

Le terrible ouragan du 18 brumaire anx déracine une quantité immense d’arbres dans la région, dont mille dans la forêt de La-Teste Histoire des dunes maritimes de la Gascogne, Pierre Buffault, 1942..

Rien ne dit que, sur plusieurs de ces points, ces semis primitifs aient pu persister, car notamment au Pilat, au Gartey, aux Abatilles, au Pachou, des travaux furent exécutés en 1807, 1809, et 1811.

En 1808, cent ouvriers hommes femmes et enfants sont occupés à 1 f 50, 1 f, 0,25 f par jour ; la Commission cherchant toujours des moyens économiques a prescrit à l’Inspecteur de faire le transport des branchages tant avec des bœufs pour la partie des lettes qu’avec des chevaux pour les sables, il doit en résulter une grande économie Rapport de Guyet-Laprade, membre de la commission des dunes, novembre 1808. AM LTDB 4D2. Pierre Jules Guyet-Laprade (1756-1826) est un homme politique français. Capitaine de grenadiers au régiment de Bouillon-Infanterie entre 1775 et 1789, il devient juge de paix puis administrateur du département. Il est député de Lot-et-Garonne à la Convention, siège avec les modérés et vote la détention de Louisx VI. Il passe au Conseil des Cinq-Cents le 23 vendémiaire an IV et démissionne le 14 ventôse an V. Il devient conservateur des Bois et Forêts de Bordeaux sous le Consulat puis Conseiller général en 1812..

En 1811, M. Jougla fait défense au sieur Castéra qu’il prenne des broussailles dans sa pièce des pins de La Grave s’il ne consentait d’exécuter à ses frais de fixer deux journaux de sables blancs entre ses deux propriétés de la Grave et de Larraous AM LTDB 4D2..

Le 7 septembre 1833, l’Ingénieur en chef Jean-Baptiste Basilide Billaudel assure le Préfet de la Gironde qu’aucune prétention ne s’est élevée sur la propriété des dunes sises au couchant de la Grande Forêt de La-Teste.

Le roi en avait fait la concession à M. de Ruat, Seigneur de La-Teste, le 23 mars 1779 La concession de 1779 a été annulée et remplacée par celle de 1782.. M. de Lauzac, gendre de M. de Ruat est devenu acquéreur des biens de son beau-père mort insolvable. Mais on a assuré M. Billaudel que les dunes en question n’ont pas été comprises dans cet acte de rachat. À la vérité, les propriétaires de la forêt qui borde les dunes pourraient prétendre des droits sur quelques superficies que les sables ont couvertes. Mais il est probable qu’aucun d’eux n’élèvera une semblable prétention M. Billaudel avait eu l’honneur d’adresser au Préfet durant sa dernière tournée, le 6 mai 1833, les consentements ou désistements de la plupart de ces propriétaires. Leurs noms sont rapportés à l’encre rouge sur le plan n° 1 (attaché au courrier du 7-9-1833) sur la lisière qui sépare la Grande Forêt de la zone des dunes à fixer. AM LTDB 4D2..

L’État procède alors à l’ensemencement des dunes du Profond, Sobère (ou Saubers) et La Truque, à la limite du département, par l’entremise de Dehillotte-Ramondin Guide d’Arcachon, de Gabory, 1896..

Un registre est ouvert à la Préfecture, en 1847, en vue de l’ensemencement des lettes de la Barrique, de la Salie, du Letas, de Lous Lamanch, de Jaougaret, du Prehoun, et du Levreyre. En 1849, c’est l’ensemencement des dunes du Vieux Fort – 226 ha 10 a 59 ca – qui est envisagé. En1861, ensemencement des lettes de la Salie par l’État ; ce qui amène la protestation du maire Jean Hameau qui les considère propriétés communales.

Quoiqu’il en soit, entre la Grande Montagne ou forêt de La-Teste et la Petite Montagne ou forêt d’Arcachon, des dunes blanches, désolées, arides, s’amoncelaient incessamment, depuis le moyen-âge, jusqu’au jour où la main de l’homme fixa ces dunes errantes en les couvrant de pins maritimes. Si bien que les deux Vieilles Montagnes réunies par la Forêt Nouvelle La Forêt Littorale, F. Lalesque, L’Avenir d’Arcachon, du 6 juin 1920., n’en forment plus qu’une.

 Aliénations du Domaine de l’État

Au début du XIXe siècle, la Commission des Dunes, présidée par Brémontier, avait proposé de déclarer biens nationaux tous les sables ensemencés ; le pâturage seul y serait autorisé pour les communes, quand les forêts seraient défendables. L’État y répondit par le sérieux décret du 14 décembre 1810 qui, par son article 5, assurait aux habitants le retour de leur vieux patrimoine commun dès que le Trésor serait rentré dans les frais d’ensemencement.

Sous l’effet de mensonges sans cesse répétés et augmentés, les communes sont sans cesse repoussées ; la liberté du pacage, qu’on nous avait offerte, avant 1810, comme une aumône, reste absolument interdite, la chasse libre aussi ; or, l’élevage et la chasse représentent la moitié des ressources familiales. Cela fera dire publiquement à Bernard Saint-Jours, dans les années 1930, que nous sommes de plus en plus, depuis un siècle passé, administrés à la prussienne, et que nous vivons sous le plus grand scandale officiel qui se puisse concevoir en France.

Car l’État sait bien, par la voix de ses intendants de l’ancien régime et par les textes législatifs, qu’il n’a aucun droit de propriété sur nos dunes. Mal éclairé et mal conseillé, il viole le droit de propriété des communes, les lois s’appliquant à nos sables, et surtout son engagement précis de l’art. 5 du décret du 14 décembre 1810, qui est le statut de nos dunes maritimes de la Gironde et des Landes Les gaillouneys ne sont pas érodés par la mer. La propriété des dunes, Bernard Saint-Jours, 1935..

En 1860 et 1863, deux lois autorisent l’aliénation des dunes de Gascogne : celle de 1860 prétexte que la conservation des forêts à aliéner est jugée inutile à l’intérêt général, et se donne dix ans pour son exécution ; celle de 1863 a un motif un peu plus défendable : celui de procurer des fonds – jusqu’à concurrence de 12 millions – pour construire des routes de dessertes dans les forêts de l’État et pour effectuer des reboisements en montagne.

Lors de diverses ventes aux enchères, le gouvernement impérial met sur le marché sous les noms de « Domaine de la Pointe du Sud », ou « Pilat et Sabloney », une certaine étendue de dunes littorales. Frédéric Lesca et Dehillotte-Ramondin se portent acquéreurs des cantons de Pissens et Pilat lors de l’adjudication Achille Fould étant ministre des Finances et Louis Béhic ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux publics. du 28 août 1863, successives et mitoyennes sur la lisière nord de la Montagne, la dune de la Grave (35 ha) vont au pharmacien Yves FéIix et à Auguste Bisserié, la dune du Jaougut (60 ha) au Gujanais Pierre Ducos et celle des Barons (32 ha) emportée par J.B. Pontac atteignirent les parcelles dont Marsillon Lalesque avait, on s’en souvient, revendiqué avec succès la propriété en 1827 Le destin des Dunes, Fernand Labatut, SHAAPB, n° 109, 2001. ; le 26 septembre 1864, Léon et Frédéric Lesca Fils de Pierre, tonnelier et créateur de la première distillerie de matières résineuses créée à La-Teste en 1817. et Dehillotte-Ramondin emportent Moulleau, Lestout emporte Gartey, et Gardaillac se voit attribuer Pissens-Est (348 ha) Notes R. Aufan. L’État, qui avait jusque-là vendu 876 hectares de dunes boisées, mit d’un coup aux enchères 3449 hectares de nouvelles forêts. Le destin des dunes, Fernand Labatut, bulletin SHAAPB n° 109, 2001..

Ventes aux enchères

La première vente concernant les forêts sises sur la commune de La-Teste est effectuée en vertu de la loi du 28 juillet 1860. D’abord annoncée par affiches pour le 30 décembre 1862, elle est remise au 24 février 1863 ; cette vente concerne 55 lots (218 560 m²) contigus à l’établissement des bains d’Arcachon. Journal des débats politiques et littéraires du 19 décembre 1862. Puis, en vertu de la loi du 19 mai 1863, des adjudications publiques ont lieu à la Préfecture de Bordeaux, savoir : – Le 5 mai 1863 781 hectares. – Le 28 août 1863 510 hectares. – Le 7 octobre 1863 544 hectares. – Le 10 juin 1864 266 hectares. – Le 24 décembre 1866 300 hectares.

On peut s’adresser pour voir la forêt : au brigadier Barbe, à la maison forestière du Juge, et aux gardes Dutruch, à la maison forestière de Notre-Dame des Monts, et Lalesque, à la maison forestière du Pilat…, Directions générales des Domaines et des Eaux et Forêts, 1933.

Le Sabloney, dont les plantations datent de 1832 à 1840, est adjugé pour partie à Théodore Conseil pour la société Conseil et Cie qui emporta aussi Pilat, Baleste, Menoy, Déserts et Guenelles, en tout 494 hectares. […]. Les 357 hectares des Gaillouneys échurent à Antoine Lestout et à J.-B. Lalesque. […] Trois Dacquois, Joseph Boisot, négociant, J.-B. et Léon Lagraulet acquirent de concert 942 hectares de pins âgés de vingt à trente ans, Pinchourlins, Gramuges, Monscitrans, Pennaou, Pilat, Cabo et Palus, Lanaudie, Maubruc. Pour finir, avec la Place Vieille, la Truque et le Profond, 508 hectares adjugés à J.-B. et Théodore Dalis, on longeait le lac de Cazaux jusqu’à Biscarrosse. Quinze jours plus tard, le 10 octobre (1864), sept adjudicataires, les frères Lalanne, Daisson, Pontac, Delis, Moureau et le Dacquois Loustalot emportaient Gujosse, Saubères, Lescours, 245 hectares de forêts qui confrontaient la Place et la Truque en bordure de l’étang Le destin des dunes, Fernand Labatut, bulletin SHAAPB n° 109, 2001..

Lors de l’adjudication Affiches de la Seine. Anciennes Affiches nationales. Feuille spéciale d’annonces… 12 décembre 1866. du 24 décembre 1866, le maire signale que deux chemins classés Les chemins ruraux n° 14 et 15., du Moulleau et du Pilat, ne sont pas indiqués sur les affiches. Le service des Eaux et Forêts répond, le 18 décembre 1866, qu’ils sont réservés, ainsi que les servitudes et les droits d’usage ; cela est conforme au cahier des charges de 1863 qui, dans son article 2, précise que les terrains sont vendus avec leurs servitudes actives et passives, notamment avec les droits d’usage et d’affectation déclarés ou non. L’acquéreur jouira des servitudes actives sauf à les faire valoir, et souffrira les servitudes passives, droits d’usage et d’affectation, déclarés ou non, sauf à s’en défendre à ses risques, périls et fortune, sans pouvoir, dans aucun cas appeler l’État en garantie AD 33 série 7M..

Lors de cette adjudication seuls les terrains qui sont à l’est du garde-feu du Sémaphore trouvent acquéreurs ; 143 ha de la partie côtière du Gartey ne trouvent pas preneur malgré les efforts consentis, pour assurer les visites, par les gardes forestiers Barbe et Lalesque.

L’érosion a été exceptionnelle, lors des cinquante dernières années, comme nous pouvons le constater en consultant les cartes de l’époque : en 1809, lors de l’élaboration du premier cadastre, le lieu-dit « Gartieu Le Gartieu ou « Les Jogues » (ajoncs ; du gaulois jouga) pour certains géographes est indiqué sur la feuille 1 « Les Sables » du cadastre de 1809. Le Gartey est un toponyme qui désigne soit le gardien du troupeau (gart + ey) soit le lieu (gartiou) où se réunissent les vaches à demi sauvages pour passer la nuit. Gartey, Gartieu, Garliou pourraient aussi être d’origine allemande : garten, jardin. » est représenté par un polygone irrégulier planté de pins, entouré des semis qui constitueront la forêt domaniale ; le Gartieu est alors à plus de 500 mètres du rivage. M. Pagnau, sur sa carte des semis de 1820, le signale appartenir à M. de Lauzac Cette pièce de pins a ensuite été acquise par M. Daney, de Gujan., gendre de M. de Ruat. Le Gartieu est à moitié disparu sous les eaux sur la carte cadastrale de 1857.

Ce phénomène d’érosion explique pourquoi le chaland ne s’est pas précipité pour acquérir la forêt domaniale qui jouxte le rivage.

C’est pourtant l’époque où la guerre de sécession d’Amérique fait hausser les résines françaises à un prix qui grisa les propriétaires. De 60 francs la barrique en 1860-61, la résine atteignit 240 francs en 1862, 230 francs en 1863, 280 francs en 1864 Le prix de la résine dépend du cours coté à Savannah (États-Unis), centre d’une région qui produit cinq fois plus de résine que la Gascogne. La hausse de 1864 provient de l’arrét de la production américaine par suite de la guerre de Sécession..
Les pins des semis vendus en 1861-1865 furent immédiatement exploités : résinés, résinés à mort et abattus, sans qu’on ait redouté le moindre mouvement des sables, du moment que le clayonnage de la dune bordant la mer était entretenu La propriété des dunes du littoral gascon, Antoine Degert, 1876, Bulletin de la Société de Borda. Un inspecteur des Eaux et Forêts explique ainsi le caractère de ces « conciliations » : « Des transactions, acceptées de part et d’autre et arrêtées en 1862 et 1863, abandonnèrent aux communes en toute propriété une certaine quantité de lettes favorables au pacage, presque toutes à caractère de lettes extérieures, et consacrèrent la renonciation des communes à toute prétention sur le restant des dunes et lettes maintenues en la possession de l’État »..

Mais le prompt retour des bois et des gemmes aux prix normaux laissa des acquéreurs dans la gêne.

Le 9 septembre 1879, MM. Élomir Astruc, Jules Gommès, et Bernardbeig se rendent adjudicataires, entre autres, de lots dépendant des sociétés d’acquêts et succession Dehillotte-Ramondin comprenant des pièces de pins à Cabau, La Grave, Pilat Sud et Nord, Pilat et Pissens haut et bas, Montagnette nord et sud, et Ginestras.

« Bernardbeig et compagnie »

Aux termes des actes reçu le 2 mai et le et 4 août 1881, il a été formé, la Société Forestière de la Gironde La société est formée entre : M. Élomir Astruc, négociant, demeurant à Bordeaux, 16 Pavé des Chartrons, marié en premières noces avec Louise Dacosta ; M. Samuel César dit Jules Gommès, marié en premières noces avec Adèle Marqfoy (1827-1894) ; M. Albert Bernardbeig, négociant, marié en premières noces avec Élisabeth Angèle Leydet demeurant à Bordeaux, 33, rue Lacour ; et, pour le compte de la maison « Astruc & Raynal », dont le siège est à Bordeaux 10, rue Vauban, MM. Fernand Astruc, négociant, demeurant à Bordeaux, 10, rue Vauban, et David Raynal, député de la Gironde, sous-secrétaire d’État au ministère des travaux publics, demeurant à Paris 1, place Péreire. Le siège de la société a été transféré avenue du Château à Arcachon le 5 octobre 1894, et villa de France, avenue Lamartine, le 27 avril 1901., auxquels les précédents font apport des biens provenant de la vente « Dehillotte-Ramondin ». Cette société civile est créée pour l’exploitation et la vente totale ou partielle de forêts sises dans les communes de La-Teste, d’Arcachon, d’Hourtin et de Saint-Jean d’Illac, d’une pêcherie à Hourtin et la location d’une usine à La-Teste.

La raison et la signature sociale sont « Bernardbeig et compagnie » et le siège social est fixé à Bordeaux 33, rue Lacour. M. Bernardbeig a été nommé gérant de la Société avec divers pouvoirs, notamment celui d’aliéner M. Bernardbeig se verra attribué 15% dans le prix de vente des terrains (acte du 8 octobre 1903). les immeubles de la société avec le concours de deux associés.

Intéressons-nous, maintenant, à la Dune du Pilat.

Préambule

CH 1

INDEX

Ch.2 Pyla-sur-Mer, ce n’est plus…
comme avant !

Premier tome : La ville sous les pins, origines et développement
Un livre de Raphaël Vialard (publication limitée – commande par souscription)
Commander le livre ou contacter l’auteur

La Dune du Pilat

CH 3

Ch.2 Pyla-sur-Mer, ce n’est plus…
comme avant !

Premier tome : La ville sous les pins, origines et développement
Un livre de Raphaël Vialard (publication limitée – commande par souscription)
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